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Les fibres microscopiques d’amiante, une fois inhalées, sont piégées dans les cellules de l’appareil pulmonaire où elles persistent toute la vie car elles sont quasiment insolubles. Ces fibres sont à l’origine de différentes maladies (plaques pleurales ou cancers des bronches, des poumons ou des plèvres). Les cancers sont d’apparition tardive. Toutes les catégories de fibres d’amiante sont cancérogènes (l’amiante est classée cancérogène n°1 par le Centre International de Recherche sur le Cancer).
La mission d'information de l'Assemblée nationale sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante a rendu publiques ses conclusions le jeudi 23 février 2006.
Pour les parlementaires, il faut tirer toutes les leçons de l'affaire de l'amiante, pour éviter qu'un drame comparable ne se reproduise, et, pour eux, l'affaire de l'amiante doit être un catalyseur de changements.
Les rapporteurs soulignent que le drame de l'amiante n'est pas tant le fruit de malversations que le résultat d'une faillite du système de prévention des risques professionnels. Ils souhaitent que l’État assure pleinement ses obligations en matière de santé publique : le sens de l'histoire est bien un réinvestissement, par l'Etat, de sa compétence dans le champ de la santé au travail.
En Corse, les leçons ne sont toujours pas tirées, les changements sont toujours attendus, les travailleurs et les populations sont toujours exposés et leur santé ne semble pas être la priorité des responsables de l’État et de la région. En effet,tandis que les mésothéliomes, cancers de la plèvre dus à l’amiante, se multiplient en Corse, l’Etat ne prend toujours pas en compte, de manière concrète, les dangers.
Déblais amiantifères : toujours aucune solution pérenne ouverte à tous qui, en terme de service public, répondrait à un problème de santé publique. Le stockage des déchets dangereux relève en principe du PREDIS*, donc de la C.T.C.
La Haute-Corse est un département au sol hélas extrêmement riche en roches amiantifères qui affleurent (133 communes sont concernées). Le broyage des « roches vertes », pour des terrassements de projets publics ou privés, conduit à la fabrication de fibres dont la libération dans l’air est extrêmement dangereuse pour la santé puisque leur arrivée dans les poumons est à l’origine de cancers spécifiques.
1996 : année des décrets amiante et des premières demandes de l'association de défense de l'environnement U Levante au Préfet de la région corse pour que soient pris en considération les dangers dus à la présence d’amiante à l'état naturel sur la quasi moitié des communes de Haute-Corse et les conséquences pour la population et pendant les travaux des chantiers.
A la même époque est posée la question de la réhabilitation de l'ancienne carrière d'amiante de Canari dont le FIVA et le tribunal des affaires de sécurité sociale gèrent, aujourd’hui, les conséquences mortelles de l'absence des mesures de protection suffisantes pour les salariés et l'environnement.
2006, dix ans plus tard : la mesure du problème n'a pas encore été prise. Deux problèmes sont posés, celui de la protection des ouvriers et des passants pendant les chantiers et celui du lieu de dépôt des déblais de ces roches. L’aspect environnemental et les travaux dans les zones contenant de l’amiante sont liés. Le danger de contamination à l’amiante, de la population et des salariés, est avéré.
Concernant l’amiante environnemental, aucun porté à connaissance, aucune injonction n’ont encore été effectués auprès des maires pour pallier la pollution générée par les passages sur les chemins, terre-plein, trottoirs, cours, parkings tracés dans des terrains amiantifères ou comblés par des déblais issus des chantiers situés en zone amiantifère. Pourtant, le déplacement de tels déblais et la circulation sur ces surfaces entraîne bel et bien la libération de fibres qui peuvent se concentrer dans l’habitat. Malgré cela, aucune solution de stockage pour les déblais de chantiers, ouverte à tous, n’a été trouvée, et ce depuis des années. Il n’y a toujours aucune solution pérenne ni ouverte à tous et, en termes de service public, répondant à un problème de santé publique ; en particulier pour les gros chantiers en cours.
Aucune étude recherchant les zones polluées par les déblais n’a été lancée. Aucune démarche pour les recouvrir n’a été effectuée. En dehors d’une série de réunions et de rapports, nous n’avons connaissance d’aucune décision concrète sur place.
Concernant les chantiers du B.T.P., aucun frein n’a été initié ; au contraire on assiste à une multiplication des chantiers se déroulant sur les terrains amiantifères, notamment dans les zones habitées de la vallée du Fangu, et de l’agglomération bastiaise. Ces chantiers rappellent les carrières d’amiante, au moins lors de leur démarrage. Quelle certitude a-t-on de l’absence de diffusion de fibres cancérogènes, dans l’environnement et l’habitat proche, pour autoriser de tels chantiers ?
Des efforts d’information ont été pris par la DSS et l’Inspection du travail, et un entrepreneur a été condamné. Mais les carences réglementaires sont réelles et la DSS ne rend pas publiques les mesures qu’elle a effectuées sur les chantiers ! De plus, pourquoi les modifications réglementaires en cours sur la législation du travail pour l’amiante, en application des directives européennes, ne pourraient-elles intégrer la problématique particulière mais omniprésente en Haute-Corse de ces travaux réalisés en extérieur ?
Vingt ans après Tchernobyl, dont les conséquences en Corse sont dramatiques, des procédures sont intentées contre le « mensonge d’État ». Les mésothéliomes, cancers de la plèvre dus à l’amiante, se multiplient en Corse : est-il sérieux de développer encore des réponses essentiellement d’attente alors que l’on sait que la réglementation et les moyens de lutte sont inadaptés ?
* PREDIS : Plan Régional d’Elimination des Déchets Industriels Spéciaux
Le projet de stockage à Barbaggio
Grâce à un arrêté préfectoral (sans enquête publique…), la municipalité de Bastia, après avoir acheté le terrain, a obtenu l’autorisation de stocker des déblais des terrassements du parking de la gare dans une ancienne carrière, sur le territoire de la commune de Barbaggio. Cet arrêté pose de nombreux problèmes et est-il légal ?
L’amiante est une substance dangereuse. Pourquoi ce dépôt n’est-il pas une installation classée ? Qui contrôlera le respect des obligations de sécurité ? Un agent municipal ou un inspecteur assermenté de la DRIRE ?
Le site étant très venté, il sera extrêmement difficile d’empêcher les fibres de s’envoler.
De l’eau est indispensable pour humidifier sans arrêt les dépôts : or il n’y a pas d’eau sur le site (la réalisation d’un forage ou la prise de l’eau aux bornes incendies sont envisagées).
Cette ancienne carrière ne peut recevoir qu’un volume limité constitué par les déblais issus de ce chantier et de quelques reliquats de chantiers. Or il existe bien d’autres chantiers en Haute-Corse pour lesquels aucun lieu de stockage des déblais n’est prêt. Cet arrêté favorise donc un entrepreneur aux dépens de tous les autres…
Enfin et c’est le comble, cet arrêté préfectoral, s’il n’est pas remis en cause devant un tribunal administratif, pourrait faire jurisprudence et entraîner l’ouverture de nouveaux dépôts dans les mêmes très mauvaises conditions…
Toutes les constructions en cours de la vallée du Fangu (ville de Bastia), vallée à haut risque amiantifère, génèrent de grandes quantités de dangereuses fibres d’amiante et chacun peut constater sur place que les travailleurs ne sont pas protégés. C’est le cas des parkings de la gare et de la clinique. En haut du boulevard Danesi, une excavation de 1600 m2 est prévue pour la construction d’une villa (le maître d’ouvrage serait la S.C.I. Le Rocher sise à Calvi), L’ouverture de la voie Montepiano engendrera des déblais comportant de l’amiante, A Ville di Pietrabugno, les trois tranches des Immeubles Vendasi et De Moro se situent encore dans la même zone ; si la première tranche a fait l’objet d’actions en justice, la gestion des deux autres est celle d’un chantier ordinaire occultant la présence d’amiante, A Ville di Pietrabugno toujours, où iront les déblais du nouveau projet Le Donjon de De Moro ?
Ces exemples pris dans la vallée du Fangu ne sont qu’une petite fraction de tous les chantiers de Haute-Corse en sites amiantifères.
Comme il n’y a toujours pas de limitations dans les permis de construire ni de recours administratifs dans ce sens, gageons que la situation va perdurer longtemps encore, au détriment de la santé de toutes les personnes qui auront, de par leur métier, à être en contact avec ces déblais ou qui, par hasard, inhaleront des fibres soulevées par le vent. Elles pourraient, dans quelques années, développer un cancer. Pour elles, on parlera sans doute, dans 30 ans d’indemnisation …