Coti Chjavari. Le préfet délivre quatre permis illégaux la veille de son départ

Étrange procès ce mardi 13 mars. L’État, à l’origine de la plainte, se retire sur la pointe… et laisse les associations prendre les coups après qu’un préfet complaisant a accordé un permis à la hâte. Le procureur a demandé 1 500 euros d’amende (l’aumône !) et pas même la démolition.


Construction littoral Coti ChjavarLittoral de Coti Chjavari : édifiées sans permis, ces constructions verbalisées font l’objet de l’audience du 13 mars.

“Elles ont l’indignation sélective, le crime sélectif… Ce sont le faux nez des mouvements clandestins ». Déchaîné contre les associations Garde et U Levante qui ont eu l’outrecuidance de se porter partie civile contre son client, l’avocat de Julien Peretti hurle (et c’est peu dire). L’homme en noir est à cours d’arguments juridiques. Désarçonné car il vient d’entendre que les faits ne sont pas prescrits, il monte d’un cran dans le mélange des genres : « vous êtes soutenus par Mélenchon et Joly »… L’audience fait figure de tribune politique. L’État pourtant, et non les associations, est à l’origine de la plainte. Étrange affaire que celle jugée ce 13 mars par le tribunal correctionnel d’Aiacciu sur la légalité d’un permis de construire.

Une stratégie de conquête. Les constructions édifiées sans permis, sur le littoral de Coti Chjavari dans la bande des 20 mètres, appartiennent à Julien Peretti. Propriétaire de la société Julien-Jet, il y amène ses clients, en bateau, en jet-skis ou en quad. Et quand, pour la première fois en 2005, les gendarmes verbalisent ; Julien Peretti réagit en surbâtissant bar, cuisine, barbecue, terrasse, sur le rivage sauvage de Coti Chjavari (lieu-dit Pozzacciu). Un nouveau procès-verbal en 2007 conduit à la même stratégie de conquête de la part du prévenu. C’est ainsi que le 25 mars 2008, la gendarmerie constate : deux toits couvrent maintenant des surfaces de 44 m2 et 135 m2.
Deux PV ? Il faut bien réagir. Julien Peretti sollicite alors, le 13 octobre 2008, un permis pour construction d’une bergerie. Celui-ci est refusé le 20 novembre 2008 par le préfet de Corse-du-Sud, aux motifs qu’il viole le code de l’urbanisme : zone non urbaine, espace remarquable, bande des 100 mètres. Le procureur surenchérit et engage les poursuites en pénal.

Coup de théâtre. Que s’est-il passé que nous ignorions, pour que Julien Peretti obtienne tout de même ce permis illégal ? Laissons le lecteur se forger son analyse et rapportons les faits :
Le 6 janvier 2011, M. Peretti formule une nouvelle demande de permis de construire pour, cette fois, « réhabilitation de ruines en bâtiment d’accueil » pour une surface de 182 m2.
Et même si de ruines il n’en est pas, le 3 mars 2011, le préfet Bouillon, signe ce permis de construire. Puis il quitte la Corse définitivement, dès le lendemain, pour occuper un nouveau poste au cabinet Guéant.
Ce permis, dont la date est illisible, comporte l’avis favorable du maire, Henri Antona. En revanche et contrairement à la procédure requise, il ne comporte ni l’avis des services de l’État (qui aurait été négatif), ni le nom du préfet (seule sa signature figure). L’avis du syndicat d’énergie (défavorable) ne figure pas davantage. Aujourd’hui, le domaine Peretti s’étend sur plusieurs hectares, un grand portail en ferme l’entrée, et plusieurs « bergeries » y accueilleront des clients en nuitées : trois autres permis ayant été accordés dans les mêmes conditions, la veille de son départ, par le préfet Bouillon.

Délibéré. Fidèle à une stratégie de « mise devant le fait accompli », l’avocat de Julien Peretti espérait ne pas avoir à plaider l’affaire. Il lui a bien fallu cependant apporter quelques éléments objectifs pour tenter de démontrer qu’il y aurait eu une forge et une étable sur lesdites parcelles. Ces bâtiments du passé étant supposés étoffer le permis accordé par le préfet Bouillon. Hélas ! Lors de la demande de permis, aucune photographie des ruines supposées exister n’a été fournie. Le plan terrier, qui indique tout ce que la Corse et les Corses possèdent au 18e siècle (moulins, routes, ports, etc.), qui note même le nombre de poules, vaches, le nombre d’outils (pioches etc.), n’indique pas la présence d’une forge et les photographies aériennes de l’Institut géographique national démontrent que les parcelles étaient vierges de toute ruine.
Par ailleurs, si le droit à reconstruction est prévu au code de l’urbanisme, il suppose que la destruction remonte à moins de 10 ans. Et que la reconstruction se fasse à l’identique.
À la date où nous mettons sous presse, le jugement (délibéré au 27 mars) n’est pas encore rendu mais, dès lors, on mesure le malaise qu’il provoque. Le procureur a demandé 1 500 euros d’amende (l’aumône !) et pas même la démolition.

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