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Dans l’introduction de ce rapport ont été rappelés les épisodes historiques de La Vallée de la Meuse en Belgique (1930), de Donora aux États-Unis (1948) et de Londres au Royaume-Uni (1952) qui ont clairement montré que des niveaux extrêmement élevés de pollution atmosphérique peuvent engendrer, en quelques jours, un excès important de mortalité et d’admissions hospitalières pour affections respiratoires et cardio-vasculaires (EXTRAPOL n° XII 1997, HMSO 1954).
Les progrès technologiques réalisés depuis lors dans les pays industrialisés ont permis de réduire considérablement ce type de pollution, notamment pour le SO2. Pourtant, au cours des dix dernières années, de nombreuses études épidémiologiques ont montré que même des niveaux relativement faibles de pollution sont encore liés à des effets à court terme sur la santé. Il a été ainsi été montré, d’abord aux États- Unis, puis dans de nombreux autres pays, notamment en Europe, que les variations journalières des indicateurs communément mesurés par les réseaux de surveillance de la pollution atmosphérique (dioxyde de soufre-SO2-, particules-FN ou PM10-, dioxyde d’azote-NO2- et ozone-O3) sont associées à une vaste gamme d’effets néfastes allant d’une altération de la fonction ventilatoire à la précipitation du décès chez des personnes déjà fragilisées. Ces effets sont observés pour des niveaux de pollution inférieurs aux valeurs limites d’exposition définies par les normes de qualité de l’air. Ainsi, les résultats de la récente méta-analyse de l‘étude européenne APHEA, conduite sur des données des années 80 (KATSOUYANNI et al. 1997, SPIX et al. 1998) montrent qu’une augmentation de 50 µg/m3 des niveaux journaliers de pollution s’accompagne dans les jours qui suivent :
De même, l’étude ERPURS menée en Ile-de-France (MEDINA et al 1997) pour la période 1991-95 a comparé l’incidence de diverses manifestations sanitaires lorsque la qualité de l’air connaissait des niveaux moyens, à celle enregistrée pour les niveaux observés les jours les moins pollués de l’année. Par exemple, en été, il a été observé des augmentations de risque pouvant aller jusqu’à 8% pour la mortalité respiratoire ; 15% pour les urgences pédiatriques à l’hôpital Armand Trousseau ; 22% pour les visites pour asthme effectuées par SOS-Médecins Paris ; 23% pour les arrêts de travail pour causes cardio-vasculaires à EDF-GDF ; 25% pour les hospitalisations pour asthme chez les enfants à l’AP-HP.
Ces études, de type écologique temporelle, sont réalisées au sein de la population générale. Elles étudient l’impact moyen de la pollution pour l’ensemble de la population et non pour chaque individu qui la compose. Elles prennent en compte les facteurs de confusion tels que les variations temporelles (tendances, saisons, rythmes hebdomadaires...), les épidémies de grippe et les périodes de pollinisation, ainsi que les facteurs météorologiques, notamment la température (LE TERTRE et al. 1998).
D’autres études sur les effets à court terme de la pollution atmosphérique ont été menées au niveau individuel. Lesétudes de panel ont montré que la pollution atmosphérique constitue un facteur déclenchant de crises d’asthme et de symptômes respiratoires chez des patients asthmatiques. Ainsi, une étude menée à Paris, par l’Unité 408 de l’INSERM (NEUKIRCH et al. 1998, SEGALA et al. 1998) chez des patients asthmatiques suivis en milieu hospitalier montre l’existence d’un lien à court terme entre des niveaux moyens de pollution hivernale et l’apparition et la durée des symptômes, tant chez les adultes que chez les enfants. Pour un accroissement de 50 µg/m3 de SO2 ou de particules, cette étude montre une augmentation d’environ 30 % de la fréquence des crises d’asthme ; de 35 à 70% des sifflements ; de 35 à 60% de l’incidence de la toux nocturne ; de 33 à 55 % de la gêne respiratoire.
Des diminutions de l’ordre de 2 à 4% des volumes respiratoires ont également été mises en évidence en relation avec la pollution atmosphérique, notamment chez les enfants. Chez les sujets asthmatiques, l’enquête de l’INSERM (NEUKIRCH et al. 1998, SEGALA et al. 1998) montre des chutes de 4 à 8% des performances ventilatoires en relation avec des augmentations de 50 µg/m3 des indicateurs de pollution.
Signification de ces effets à court terme. Globalement, les résultats des études épidémiologiques sont concordants. Ils montrent qu’environ 3 à 5% de la mortalité quotidienne peut être reliée aux variations de la pollution atmosphérique (QUENEL et al. 1998), ceci indépendamment du type d’étude (écologique ou individuelle), de la méthode d’analyse statistique et de l’indicateur de pollution considéré. Ces résultats sont donc solides, mais quelle interprétation leur donner du point de vue de la santé publique ?
A court terme, les variations journalières des niveaux des polluants surveillés sont encore de nos jours associées à la survenue d’effets sur la santé qui surviennent pour de faibles niveaux de pollution, inférieurs aux valeurs limites d’exposition actuelles ; ces effets se manifestent sans effet de seuil au niveau de l’ensemble de la population ; ils ont une fréquence comparable en termes de gravité quels que soient les indicateurs (mortalité, hospitalisations, symptômes, fonction ventilatoire).
Il demeure néanmoins des interrogations non encore résolues. Concernant la mortalité à court terme, qui meurt ? Des sujets malades, " fragilisés ", âgés ? Avec quel degré de prématurité ? (QUENEL et al.1999). Le degré de prématurité du décès n'est pas homogène dans une population. Ainsi, l’estimation moyenne mise en évidence dans différentes études écologiques temporelles, concernant l’anticipation du décès est de l'ordre de quelques mois, pouvant varier de quelques jours à plus d'un an (SCHWARZ). Chez les personnes âgées, déjà fragilisées par une pathologie chronique, il serait accéléré de quelques semaines. Les variations de la qualité de l’air sont connues aujourd’hui pour occasionner des décès en lien avec une myocardiopathie ischémique (i.e. infarctus du myocarde). En cas d'infarctus, le pronostic vital se joue dans les premières 24-48 heures. Ainsi, si la pollution atmosphérique vient décompenser le tableau clinique dans ce délai, son impact sur le degré de prématurité du décès pourrait être bien plus important, car une victime d’un infarctus qui en réchappe peut lui survivre pendant longtemps (SCHWARZ et al. 1995).
La pollution atmosphérique agit, à court terme, sur des sujets asthmatiques, en diminuant les volumes respiratoires, en déclenchant des crises d’asthme, en en augmentant la fréquence, leur durée, le besoin d’automédication et le recours aux soins. Concernant les affections cardio-vasculaires, des études récentes (SCHWARZ et al. 1995, SCHWARZ 1997, POLONIECKI et al. 1997, DOCKERY et al. 1999) ont montré un lien entre les particules et l’infarctus du myocarde par le biais d’une diminution de l’oxygénation périphérique et d’une altération de la coagulabilité sanguine. Le monoxyde de carbone, en tant qu’indicateur de pollution automobile, joue un rôle indépendant dans l’aggravation du risque cardiaque (QUENEL et al. 1996). La fonction ventilatoire représente une mesure objective des effets de la pollution sur la santé. Chez le sujet sain, les effets sont modestes et réversibles mais cela ne préjuge pas ni d’un impact au niveau de la population dans son ensemble (KÜNZLI et al. 2000) ni d’un impact éventuel à long terme. Chez les sujets malades, la diminution des volumes respiratoires peut déclencher une décompensation aiguë qui peut conduire à un décès.
La discussion sur lacausalité de cette relation, à court terme, entre variations de la qualité de l’air et ces manifestations sanitaires repose sur un ensemble de critères dont ceux établis par B. Hill en 1965 (HILL 1965). Les arguments qui plaident en faveur d'un rôle causal, à court terme, de la pollution sur la santé sont les suivants :
Malgré cet ensemble d’arguments, un minimum de prudence s’impose pour interpréter les résultats de ces études car :
Enjeux de santé publique
En l’état actuel des connaissances, l’association, à court terme, entre pollution atmosphérique et santé peut être considérée comme "très probablement causale". Or l’ubiquité de l’exposition et la proportion des populations fragiles (de l’ordre de 12% d’asthmatiques, 5% de personnes atteintes de broncho-pneumopathies chroniques obstructives, 10 à 20% d’affections cardio-vasculaires, près de 10% de personnes âgées de plus de 75 ans), conduisent à un risque attribuable non négligeable. A Paris, par exemple, un excès de mortalité cardio-vasculaire de 2% en relation avec la pollution acido-particulaire représente entre 250 et 350 décès et 22 000 hospitalisations par an (QUENEL et al. 1995). En France, un excès de risque dans les villes de plus de 250 000 habitants (19,5 millions de personnes), a été estimé en 1996 entre 2 à 5% de la mortalité cardio-vasculaire en relation avec les particules d’origine automobile, ce qui représentait entre 660 et 1 050 décès précipités par an (CHIRON et al. 1996). Aussi, s’il ne constitue pas, aujourd’hui, une urgence de santé publique, l’impact sanitaire des conséquences à court terme de la pollution atmosphérique ne peut être négligé. De plus, ces effets répétés à court terme, sur une longue période, sont de plus en plus mis en cause dans la survenue de conséquences chroniques sérieuses.
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Pour le grand public, les médias et certains décideurs, la question des risques pour la santé de la pollution atmosphérique se résume souvent à celle de l’impact des "pics" de pollution. C’est une vision erronée de la réalité d’un point de vue sanitaire. Cela ne veut pas dire, pour autant, que la gestion des "pointes" de pollution soit sans intérêt. Comment expliquer cette apparente contradiction ?
L’habitude prise de parler des "pics" de pollution nous vient de l’histoire des connaissances scientifiques sur les effets de la pollution atmosphérique sur la santé, et des mesures mises en œuvre pour gérer la qualité de l’air dans les années 60 à 80. L’histoire de la pollution atmosphérique est marquée par les dramatiques "épisodes" survenus dans les années 30 et 50 (Vallée de la Meuse, Londres, Donora...). L’épisode de Londres, au cours de l’hiver 1952 a joué un rôle décisif dans l’élaboration des politiques publiques de maîtrise de la pollution atmosphérique, mises en œuvre ensuite pendant 30 ans. Au début du mois de décembre, les fumées noires et le SO2 ont atteint des concentrations maximales journalières respectives de 2 650 µg/m3 et 1260 µg/m3. Cette brutale montée des niveaux de pollution mesurée par ces deux indicateurs, alors seuls évalués, a été provoquée par une situation météorologique qui a favorisé la stagnation des masses d’air dans la région de Londres, air chargé des effluents des combustions liées aux activités industrielles et au chauffage des habitations. On a pu estimer que cette situation a occasionné un excès de l’ordre de 3 500 à 4000 décès par rapport aux années antérieures et à d’autres villes britanniques. Plus de 80 % de cet excès de mortalité ont été attribués à des causes cardio-respiratoires, et plus des 2/3 des décès survenus alors concernaient des personnes âgées de plus de 65 ans. La météorologie ne se soumettant pas aux volontés de l’homme, c’est donc sur les combustions industrielles et de chauffage que vont porter tous les dispositifs de lutte contre la pollution atmosphérique dès les années 50. Et avec succès ! Ces politiques de prévention de la pollution atmosphérique ont combiné des mesures "de base", portant notamment sur les systèmes d’épuration des fumées industrielles et réduisant (interdisant) l’usage du charbon de chauffe dans les grandes villes, et des mesures fondées sur la notion d’alerte. Lorsque certains seuils étaient dépassés, les pouvoirs publics mettaient en œuvre des mesures de police obligeant les industriels à utiliser des sources de combustion moins polluantes, parfois même en prescrivant l’arrêt de certaines installations. Il fallait absolument " écrêter les pics " dont l’expérience avait montré qu’ils pouvaient être dévastateurs.
La situation a changé. Les niveaux moyens de concentration des indicateurs " classiques " de qualité de l’air ont diminué considérablement depuis les années 50 et 60, sous réserve d’une parfaite comparabilité des mesurages. Les valeurs moyennes typiques de ces mêmes indicateurs de pollution se situent autour de 30-40 µg/m3, selon les villes, et les maxima journaliers dépassent rarement 150 µg/m3. Pourtant, ce rapport montre que, malgré cette heureuse réduction, il est encore possible de mettre en évidence des effets sanitaires sérieux, quoique de fréquence beaucoup moindre, de cette pollution atmosphérique, à court terme et à long terme. Par ailleurs, les sources de pollution de l’air ne sont plus les mêmes, et la composition physico-chimique du mélange polluant est aujourd’hui différente de ce qu’elle était il y a 30 ans : moins de dérivés soufrés et de particules de "grande" taille, plus de polluants photochimiques et poids relatif plus important des particules fines. Que la manière "traditionnelle" de concevoir la prévention, en surveillant les alertes, soit encore pertinente en matière de pollution atmosphérique urbaine, alors que les sources mobiles sont devenues la principale source d’émission et de production de polluants, reste à démontrer. Tout indique, au contraire, que c’est par la réduction générale, tout au long de l’année, des niveaux moyens de pollution que l’on aura l’impact de santé publique le plus important.
Un malentendu doit aussi être dissipé. Il porte sur l’interprétation faite des résultats des études réalisées au début des années 90 selon l’approche dite " des séries chronologiques ". Ces études ont eu une importance considérable dans la démonstration que, même aux niveaux modérés de pollution atmosphérique observés dans les principales villes des pays développés, persistent des effets sanitaires associés aux variations quotidiennes de la qualité de l’air : mortalité précipitée, réduction des performances ventilatoires, accroissement du recours aux soins pour affections respiratoires et cardio-vasculaires... Ces études, pourtant, ne sont pas destinées à étudier l’impact sanitaire de "pics" de pollution. Elles fournissent des estimations de l’impact de fluctuations modestes et de brève durée de la qualité de l’air sur un ensemble de paramètres fonctionnels, cliniques ou d’activité du système de soins. Cela n’a rien à voir avec des effets de "pics". Que puisse être discutée la signification de ces variations de paramètres sanitaires à court terme, d’un point de vue de la santé publique (de combien de jours ou semaines sont précipités les décès ? qui décède ? les variations de quelques % de la fonction respiratoire ne sont-elles pas labiles ? etc…) est un tout autre sujet, abordé ailleurs dans cet ouvrage.
Un autre enseignement important de ces études dites aussi "écologiques temporelles" est l’impossibilité de mettre en évidence un niveau "seuil" collectif moyen en deçà duquel des effets sanitaires ne seraient plus observables. Cela ne démontre pas qu’un tel seuil n’existe pas mais indique que dans la gamme des valeurs de pollution étudiée - modérées et souvent plus basses que les normes de qualité de l’air -, une analyse très fine des phénomènes épidémiologiques est encore capable de révéler des modifications de divers indices sanitaires. De plus, l’analyse des relations dose-réponse associant la mortalité précipitée ou le recours aux soins pour affections respiratoires ou cardio-vasculaires à ces niveaux modérés de pollution atmosphérique, suggère avec insistance des relations de type linéaire (SCHWARTZ et al. 1996). Cela n’est pas le cas pour des concentrations plus élevées (telles que celles mesurées dans les années 50 ou 60 en Europe de l’Ouest, ou jusqu’au début des années 90, en Europe de l’Est). Dans cette gamme de valeurs moyennes dépassant, pour les particules ou le SO2, les concentrations de 150 à 200 µg/m3, la forme de la courbe est plutôt de type log-linéaire, s’affaissant pour les valeurs les plus élevées. Ces constats mettent à mal un fondement traditionnel de la gestion des risques environnementaux et de la pollution atmosphérique en particulier : si les données toxicologiques et/ou épidémiologiques ne montrent pas de conséquences biologiques ou sanitaires pour certains niveaux d’exposition, on peut utiliser ces "doses sans effet nocif observé" (NOAEL en anglais) pour, en les corrigeant d’un certain facteur de sécurité, déterminer des niveaux d’exposition pouvant être considérés comme sans danger. Les travaux épidémiologiques récents (au moins pour les particules fines et l’ozone, sans doute pour maints autres polluants ou indicateurs de pollution) ne donnent pas crédit à cette approche : ce sont les outils de mesure (épidémiologique ou toxicologique) des effets sanitaires qui s’avéraient insuffisamment sensibles et, donc, impuissants à mettre en évidence des manifestations plus subtiles que lors des "épisodes" de pollution d’il y a vingt à quarante ans.
Ainsi, les seuils de déclenchement des dispositifs d’alerte (information des personnes sensibles, limitation des vitesses de circulation, circulation des seuls "véhicules propres", recours à des combustibles à très basse teneur en soufre...) sont des valeurs issues de compromis, à un moment donné, entre l’état des connaissances et "ce qu’il est possible de faire". Toutes les normes de qualité des milieux ont d’ailleurs ce statut et cela n’a rien d’étonnant. Le rythme des décisions politiques pour la gestion des risques de l’environnement n’est pas celui des connaissances scientifiques. Alors que la connaissance se construit au jour le jour, les acteurs administratifs, économiques et politiques ont besoin de lisibilité à moyen terme. Le déphasage est donc permanent et doit être accepté comme tel. Quand les connaissances scientifiques ont suffisamment progressé pour justifier une remise en cause des "normes" et/ou quand les contraintes technico-économiques s’amendent, ou encore quand la demande sociale se fait plus pressante, alors il est temps de reconsidérer les seuils, devenus désuets. Ces processus durent, pour la pollution atmosphérique, de 5 à 10 ans, voire plus (le décret de 1998 définissant les valeurs de référence de qualité de l’air pour la France, s’est fondé sur des données scientifiques de la fin des années 70 !). Reconnaître ces faits permet d’éviter de confondre le statut des débats scientifiques et des processus décisionnels, qui répondent chacun à leur propre logique.
La pollution se construit au jour le jour. Les troubles biologiques aussi
Les diverses études de cohorte (" Six cities study ", American cancer society, ASHMOG, SAPALDIA ...) suggèrent que l’exposition continue à des niveaux, même modestes, de pollution atmosphérique dans l’environnement extérieur, peut s’accompagner à plus ou moins long terme de l’incidence de troubles sérieux ou graves (bronchite chronique, asthme, amputation de la fonction respiratoire, cancer bronchique, voire décès), (ABBEY et al. 1998a, McDONNELL et al. 1999, ABBEY et al. 1998b, BEESON et al. 1998, DOCKERY et al. 1993 , POPE et al. 1995, ABBEY et al. 1999). Ces troubles sont le résultat d’altérations cellulaires et biochimiques complexes qui s’initient au niveau de la muqueuse respiratoire. Ces altérations, déclenchées par la répétition quotidienne d’agressions extérieures, sont auto-entretenues par le détournement pathologique des mécanismes locaux et généraux de défense (voir plus loin une illustration de cela pour l’asthme).
Si le nombre des études épidémiologiques sur les effets d’une exposition chronique et modérée est encore modeste, leurs enseignements sont très importants. En premier lieu, on retiendra que les risques relatifs mis en évidence récemment dans ces études de cohortes sont parfois élevés (2,09 pour une augmentation des concentrations moyennes d’O3 sur 8 heures de 54 µg/m3 pour l’incidence de l’asthme ; 5,21 pour l’incidence du cancer bronchique chez l’homme en relation avec des écarts des concentrations moyennes des PM10 de 24 µg/m3). Surtout, ce qui caractérise cette question des expositions au long cours, c’est que l’exposition en cause est très fréquente. En effet, ces études concernent des niveaux de pollution tout à fait typiques en site urbain ou péri urbain dans des pays comparables à la France. De plus, contrairement à l’eau ou d’autres milieux susceptibles d’être pollués, pour lesquels il est parfois possible d’éviter de s’exposer, s’agissant de l’air, la prévalence de l’exposition est de 100 % au sein des populations résidant dans les zones exposées aux niveaux mesurés dans ces études. Or l’impact sanitaire d’une exposition est une fonction de plusieurs facteurs : 1- l’incidence (ou la prévalence) de base des affections en cause et leur gravité (il est ici question de l’asthme ou de cancer bronchique); 2- l’importance des excès de risque associés à cette exposition (certains sont élevés); 3- la prévalence de l’exposition (100 %). Ces divers facteurs montrent ici toute l’importance de la qualité de l’air en termes de santé publique. Un travail récent suggère que les 2/3 de l’incidence et des coûts de la morbidité respiratoire associée à court terme aux teneurs en particules se produisent pour des valeurs inférieures à 50 µg/m3 (ZMIROU et al. 1999). L’argument selon lequel existent d’autres nuisances aux impacts considérablement plus graves que ces niveaux modérés de pollution chez les personnes exposées (ou leurs proches, s’agissant du tabagisme passif), que cela concerne le tabagisme ou des expositions dans certains environnements professionnels, ne réduit en rien la portée du problème particulier de la pollution atmosphérique ambiante, même s’il est bon de relativiser ces diverses nuisances. Les responsables de santé publique sont plutôt enclins, devant cette situation, à se demander pourquoi des mesures plus énergiques ne sont pas prises pour réduire ces expositions aux conséquences dramatiques, qu’à y trouver argument pour ne pas agir sur la question de la pollution atmosphérique.
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Introduction
De nombreux travaux épidémiologiques, parmi lesquels les plus convaincants sont les enquêtes transversales répétées sur des populations comparables, ont mis en évidence une augmentation rapide de la prévalence du terrain atopique et des maladies allergiques respiratoires, notamment de l'asthme (WOOLCOCK et al. 1997). À côté ou en synergie avec les facteurs de risque spécifiques (allergènes), le rôle des facteurs non spécifiques (irritants) dans la genèse de cette augmentation de fréquence a été soulevé. Parmi ces derniers figurent les polluants atmosphériques dont la concentration s'est élevée, ou la nature modifiée, pour certains du moins, durant ces dernières années. Sera ici considérée comme "atopie" la réponse IgE-spécifique telle qu'on peut la mettre en évidence par la mesure des IgE spécifiques circulantes ou la réalisation de tests cutanés vis-à-vis des allergènes banals de l'environnement (PEPYS 1994).
La réponse à cette question appelle l'examen de différents types d'étude : étude in vitro des polluants sur les pollens et des préparations cellulaires, études expérimentales, animale et humaine, enfin enquêtes épidémiologiques.
1- Données in vitro
Les interactions des polluants avec les pollens pourraient s'exercer par différents mécanismes :
- Exacerbation de l'allergénicité des pollens. Cette hypothèse avait été soulevée par le travail de Jileck et al., publié en 1993 (JILECK et al. 1993). Ces auteurs trouvaient davantage d'allergène Bet v1 dans les pollens et les feuilles de bouleaux situés au centre ville de Vienne (Autriche). La même équipe a constaté ultérieurement de grandes variations, d'un arbre à l'autre, de l'allergénicité en fonction notamment de la nature du sol, et n'a pu confirmer ses constatations initiales. Une équipe allemande (MASUCH et al. 1997) a publié plus récemment 3 séries d'observations dans le même domaine : le contenu antigénique des anthères et des pollens de plants de graminées, recueillis dans une zone polluée par l'ozone, est plus important que dans une zone industrielle où cette pollution est plus faible ; des plants de graminées en pots sont placés pendant un mois dans la zone polluée par l'ozone ou sous une chambre à ciel ouvert alimentée par de l'air filtré. Le résultat va dans le même sens que dans l'expérience précédente. Enfin, une troisième expérimentation a consisté à prélever l'anthère et les pollens de plants de graminées cultivées dans une chambre à ciel ouvert et exposés pendant 15 jours à de l'air filtré ou de l'air contenant 130µg d'O3/m3 . Là encore, la quantité d'allergène par µg de protéine était plus élevée pour les plants exposés à l'ozone. Mais ces observations ne sont pas constantes. Dans une étude française, durant 2 printemps consécutifs (1994 et 1995) des plants de graminées issues de semis réalisés ont été exposés dans des chambres à ciel ouvert alimentées par de l'air filtré ou de l'air avec une teneur d'ozone durant 8 heures par jour de 80 µg/m3 (CHARPIN et al. 1997). L'allergénicité des 2 groupes de pollen a été évaluée d'une part par l'analyse électrophorétique bi-dimensionnelle des extraits polliniques, d'autre part par quantification de la réponse immune de souris consécutive à l'injection de l'un ou l'autre extrait. Dans les deux types d'expérimentations, aucune différence significative n'a été observée avec les 2 extraits étudiés. Le choix de l'ozone comme polluant se justifie du fait que les concentrations maximales d'ozone se rencontrent au printemps et en été, lors de l'émission des pollens de graminées. Les résultats obtenus sont donc divergents. Cette divergence peut être liée à la durée d'exposition, au protocole expérimental utilisé et au mode d'appréciation des résultats.
- Libération accrue des allergènes hors du grain de pollen. L'incubation de pollens propres avec des extraits de poussière atmosphérique fine entraîne un relargage de matériel protéique à partir du grain de pollen d'autant plus important que l'extrait de poussière est plus concentré (THOMAS et al. 1994). Une autre étude allemande (BEHRENDT et al. 1991) suggère par ailleurs qu'un grain de pollen exposé aux polluants (NO2, SO2 et O3) libère davantage de protéines et que ces grains de pollen sont capables d'induire un relargage d'histamine à partir de leucocytes de patients allergiques, plus important que des grains de pollen contrôlés. En microscopie électronique, un pollen de bouleau exposé à la pollution urbaine a une exine fragilisée et relargue des protéines solubles et des allergènes (PELTRE 1998).
- Adsorption des allergènes sur les particules diesel. On a pu montrer (KNOX et al. 1997) que les particules diesel, d'un diamètre de 30 à 60 nm (donc capables de pénétrer dans le poumon profond), peuvent adsorber l'allergène majeur du pollen de graminées, Lol p 1. La même observation a été réalisée à propos de l'allergène majeur du chat, Fel d 1 (ORMSTAD et al. 1998). Ce phénomène explique le mécanisme de l'asthme pollinique jusqu'alors obscur du fait que la taille des pollens n'autorise pas leur passage dans les voies aériennes sous-glottiques.
- Action cellulaire des polluants
Les cellules épithéliales bronchiques et les macrophages alvéolaires sont capables de libérer divers médiateurs pro-inflammatoires lors d'expositions contrôlées à des concentrations faibles d'ozone. Par exemple, l'exposition de courte durée (30 mn) à des concentrations réalistes d'ozone (200µg/m3) entraîne une augmentation de la sécrétion de TNFa, puissant agent pro-inflammatoire, et d'IL6 et IL8, par les macrophages alvéolaires humains (ASSALANE et al. 1995). De la même façon, un extrait de particules diesel induit le relargage d'IL1 et de TNFa à partir d'une culture de cellules macrophagiques de rat (YANG et al. 1997) et, dans une autre étude, le relargage d'IL8, de GM-CSF et d'ICAM1 par l'épithélium bronchique de sujets asthmatiques davantage que par l'épithélium de sujets non asthmatiques (BAYRAM et al. 1998).
2 - Expérimentation animale
Toute une série d'études expérimentales, réalisées dans les années 70 et 80, mettent en évidence l'augmentation de la réponse IgE chez l'animal préalablement exposé à un polluant (MOLFINO et al. 1992). La production d'IgE est secondaire à l'activation cellulaire lymphocytaire T locale qui induit une production d'interleukine 4. Les études récemment publiées se sont focalisées sur l'effet des particules diesel : augmentation de la production d'IgE et de cytokines nasales après instillation nasale de ces particules (TAKUFUGI et al. 1987), expression accrue de l'IL5 mais aussi de l'IL4 et du GM-CSF après instillation intra-trachéale chez la souris (TAKANO et al. 1997), infiltration éosinophilique et neutrophilique des voies aériennes et augmentation de la résistance des voies aériennes et de l' expression de l'IL5 après sensibilisation à l'ovalbumine (MIYABARA et al. 1998).
3 - Expérimentation humaine
De nombreuses études ont été réalisées sur des cellules de lavages broncho-alvéolaires ou sur des modifications éventuelles de la réactivité bronchique non spécifique après exposition aux polluants. Ces études montrent pour des expositions aux particules diesel (MOLFINO et al. 1991) ou à l'ozone et au dioxyde d'azote (JÖRRES et al. 1996) une altération de l'épithélium bronchique, une réponse cellulaire alvéolaire de type inflammatoire avec libération de cytokines tels que l'IL-6, l'IL8 et le GM-CSF. Mais les concentrations en jeu sont bien supérieures aux taux mesurés en milieu urbain.
Quatre études récentes mettent en évidence une synergie d'action entre polluant et allergène. La première (MOLFINO et al. 1991) a consisté à effectuer un test de provocation allergénique, précédé ou non d'une exposition à l'ozone, chez un groupe d'asthmatiques allergiques. Les asthmatiques ont été exposés pendant 1 heure à 0,12 ppm d'ozone, soit une concentration qu'on peut rencontrer en été au pourtour des grandes agglomérations. Globalement, la dose d'allergène nécessaire pour obtenir une chute de 20 pour cent du VEMS (PD20) est diminuée de moitié chez les asthmatiques préalablement exposés à l'ozone (fig.2). Jorres et coll. (JÖRRES et al. 1996) ont effectué le même type de protocole avec exposition à 0,25 ppm d'ozone pendant 3 heures ou air filtré et abouti aux mêmes conclusions. Rusznak et coll. (RUSNAK et al. 1996) ont pré-exposé des sujets asthmatiques et allergiques aux acariens avant un test de provocation spécifique. La pré-exposition consistait en l'inhalation pendant 6 heures d'air filtré, ou de NO2 à 0,4 ppm ou de SO2 à 0,2 ppm ou d'une combinaison de ces 2 polluants. Avec ce dernier mélange, la PD20 était réduite de 60 pour cent, traduisant une accentuation de la réactivité bronchique spécifique. Par contre, les modifications spirométriques observées n'étaient pas statistiquement significatives.
Enfin, Strand et coll. ont montré chez 18 asthmatiques allergiques au pollen de graminées qu'une pré-exposition de 30 minutes à une concentration de NO2 de 490µg/m3 potentialise la réponse bronchique à l'allergène, essentiellement la réponse tardive (STRAND et al. 1997). L'exposition durant 1 heure à un air pollué par des particules diesel chez des sujets normaux effectuant un exercice physique léger induit une augmentation des résistances des voies aériennes (RUDELL et al. 1996).
Un groupe de recherche californien a montré successivement : que des lymphocytes B provenant du sang périphérique et des amygdales ont une production accrue d'IgE lorsqu'ils sont soumis à un extrait de particules diesel (TAKENAKA et al.). Chez l'homme sain, l'instillation nasale de particules diesel à concentrations réalistes provoque une augmentation dose dépendante des IgE dans le liquide de lavage nasal ainsi qu'une augmentation du nombre de cellules produisant des IgE chez des patients sensibilisés au pollen d'ambrosia. Après provocation nasale, combinant l'allergène spécifique et des particules diesel, on voit apparaître des cytokines de type TH2 (DIAZ-SANCHEZ et al. 1994, DIAZ-SANCHEZ et al. 1997). Les particules diesel, chez l'homme comme chez l'animal, augmentent la production par des cellules épithéliales de cytokines pro-inflammatoires (WANG et al. 1999). Enfin, l'administration nasale de 0,3 mg de particules diesel, 24 heures avant l'administration intra-nasale d'un néo-antigène provenant d'un mollusque marin, entraîne une sensibilisation vis-à-vis de ce néo-antigène chez 6 des 10 sujets atopiques testés, alors que l'administration isolée de ce néo-antigène n'entraîne qu'une réponse de type IgG (OHTISHI et al. 1998). Ces travaux expérimentaux, réalisés chez l'animal et chez l'homme, s'accordent pour suggérer que les particules diesel contrairement à des particules inertes de carbone, pourraient potentialiser voire initier la réaction allergique. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques, constituants des particules diesel, pourraient représenter le vecteur de cette action (NEL et al. 1998).
4 - Données épidémiologiques
Les données épidémiologiques sont moins convaincantes que ces données expérimentales, en l’état actuel. La comparaison de la prévalence des maladies allergiques respiratoires et de la prévalence de l'atopie a pu être effectuée dans trois situations différentes :
Les comparaisons milieu urbain — milieu rural mettent en évidence un surcroît d'atopie et de rhinite allergique en milieu urbain mais la différence est-elle en relation avec la pollution urbaine ou, plus globalement, avec le mode de vie urbain (CHARPIN 1996) ? Plusieurs études épidémiologiques récentes (LEWIS 2000) mettent en évidence un facteur protecteur net vis-à-vis de la rhinite et de la conjonctivite allergiques, de l’asthme et de la sensibilisation allergique, en relation avec la vie à la campagne au contact avec les animaux de la ferme.
Les comparaisons Est-Ouest montrent clairement un surcroît d'atopie et de maladies allergiques respiratoires dans les pays occidentaux par rapport aux ex-pays du bloc soviétique. Deux études comparatives récentes (NICLOAÏ et al. 1997, BJÖRSTEN et al. 1998) aboutissent aux mêmes conclusions. Ce constat avait conduit à réfuter, peut être un peu rapidement, le rôle possible de la pollution chimique dans la survenue de ces maladies allergiques car elle était nettement plus élevée dans les pays d’Europe centrale étudiés. Plus que le niveau de concentration des polluants issus de la pollution industrielle traditionnelle, la nature de la pollution chimique rencontrée en site urbain ouest européen, et les modalités de son interaction avec l’environnement allergénique et microbiologique des personnes, particulièrement des enfants, méritent sans doute d’être analysées de manière plus approfondie.
Les comparaisons réalisées dans les pays occidentaux mettent en effet en évidence une prévalence accrue de rhinites allergiques et de sibilants thoraciques chez les enfants vivant près des voies à circulation automobile intense (WJST et al. 1993, WEILAND et al. 1994). Pourtant, Zwick et coll. (ZWICK et al. 1991, ZWICK et al. 1991) ont étudié 218 enfants âgés de 10 à 14 ans vivant en zone polluée ou peu polluée par l'ozone, sans pollution associée par SO2 ou NOx, dans les deux zones sans montrer de différence de prévalence des symptômes respiratoires ni de l’atopie d'après les test cutanés allergologiques. La seule différence consistait en une réactivité bronchique plus élevée en zone polluée. Dans la région de Marseille, une enquête épidémiologique transversale auprès de 2 500 enfants âgés de 10 et 11 ans, résidant dans une zone géographique fortement polluée par l'ozone (CHARPIN et al. 1999) n’a pas montré de lien entre le pourcentage d'enfants atopiques (atopie définie par la positivité des tests cutanés taux moyen et aucun des polluants gazeux mesurés (O3, NO2, SO2), après prise en compte des facteurs de confusions potentiels. De même, l'étude SAPALDIA (WUTHRICH et al. 1994) réalisée auprès de 8 000 adultes vivant dans 8 cantons suisses à niveaux de pollution contrastés, ne met en évidence aucune association entre terrain atopique (défini par la possibilité des tests cutanés ou des RAST vis-à-vis des allergènes communs) et le taux moyen de pollution (polluants gazeux et particules fines). En revanche l'importante étude inscrite dans la cohorte californienne des adventistes (étude "ASHMOG"), après un suivi individualisé de quinze ans, montre une association forte (les risques relatifs sont de l'ordre de 2 à 4 selon les analyses) entre exposition cumulée à l'ozone et incidence de la maladie asthmatique chez les hommes, mais non chez les femmes (McDONNELL et al. 1999).
En résumé, il existe une discordance entre les données fondamentales qui montrent une synergie d'action entre polluants et allergènes et les résultats épidémiologiques disponibles qui ne mettent pas clairement en évidence davantage d'atopiques et d’asthmatiques en zone polluée. Il est possible que les progrès en cours dans la mesure de la pollution qui peut maintenant être réalisée à l'échelon individuel modifient nos conceptions sur cette question. Il est par ailleurs fort probable que les grandes enquêtes épidémiologiques internationales en cours (ECRHS et ISAAC) mettent à jour l'intervention d'autres facteurs de risque qui permettent de mieux comprendre les raisons, sans doute très multifactorielles, de l'augmentation de la prévalence des maladies allergiques. Le rôle facilitateur de la pollution chimique sur l’expression des manifestations allergiques chez des sujets prédisposés est encore à évaluer. Cette importante question de santé publique reste donc très ouverte en l’état actuel des connaissances.
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La possibilité d’un risque cancérogène lié à la pollution atmosphérique ambiante est souvent évoquée, mais les travaux réalisés sur ce thème sont moins nombreux que ceux qui traitent de l’impact sanitaire à court terme de cette pollution. Il existe différentes approches pour étudier le risque cancérogène potentiel de la pollution atmosphérique. Les études toxicologiques évaluent individuellement le pouvoir cancérogène de chacun des polluants et sont généralement réalisées en utilisant des concentrations très supérieures à celles rencontrées habituellement dans l’environnement. En l’absence de données humaines, ces études constituent le seul moyen d’évaluer le risque cancérogène potentiel de certains polluants. Même si elles comportent des zones d’incertitude, les études toxicologiques sont complémentaires des études épidémiologiques, notamment de celles réalisées en milieu professionnel.
Les études épidémiologiques en milieu professionnel permettent de relier un excès de cancers à une exposition d'un ou plusieurs agents cancérogènes. Les niveaux d’exposition dans certains milieux professionnels peuvent être élevés, donnant la possibilité de mettre en évidence des excès de risque, mais la pollution rencontrée est souvent complexe, et il est difficile de relier les cas de cancer à un toxique particulier. Les risques peuvent aussi être étudiés de manière globale dans la population générale. Cette approche se heurte à de nombreuses difficultés. En effet, compte tenu du temps de latence élevé de la plupart des cancers, il est nécessaire de reconstituer des expositions qui sont souvent très anciennes et qui ont le plus souvent subi des modifications au cours du temps. Les risques sont souvent très faibles et proches, voire à la limite du seuil de détection des méthodes utilisées. Les résultats de ces études s’avèrent donc très sensibles aux facteurs confondants.
Dans ce chapitre, nous examinerons les données toxicologiques et les données épidémiologiques récentes sur le risque cancérogène de l’exposition à certains polluants considérés individuellement, principalement d’origine automobile, et enfin les données épidémiologiques sur les risques cancérogènes potentiels de la pollution atmosphérique considérée de manière globale.
Données toxicologiques et épidémiologiques en milieu professionnel
Parmi les effluents automobiles, seul le benzène est considéré comme un cancérogène certain chez l’homme (groupe 1 de l’IARC). Un paragraphe particulier des annexes lui est consacré. Six composants des effluents automobiles sont classés comme probablement cancérogènes pour l’homme (groupe 2A de l’IARC), avec des preuves considérées comme suffisantes chez l’animal, mais absentes, insuffisantes ou limitées chez l’homme. Ces composants sont à le 1,3-butadiène, le 1,2-dibromoéthane, le formaldéhyde et trois HAP le benz[a]anthracène, le benzo[a]pyrène et le dibenz[a,h]anthracène. Les effluents diesel, dans leur ensemble, sont également classés dans ce groupe, avec des preuves considérées comme suffisantes chez l’animal (IARC, 1989). Enfin, 16 molécules, parmi lesquelles, l’acétaldéhyde, 4 nitroarènes et 7 HAP sont classées comme potentiellement cancérogènes pour l’homme (groupe 2B de l’IARC), avec des preuves considérées comme suffisantes chez l’animal, mais absentes ou insuffisantes dans la plupart des cas chez l’homme. Les effluents des moteurs à essence, pris dans leur globalité, sont également classés dans cette catégorie (IARC, 1989).
Les particules diesel sont composées d’un squelette de carbone recouvert d’une phase organique composée elle-même principalement d’imbriès provenant du carburant et du lubrifiant, et comprenant notamment des HAP. Les tests in vitro ont montré que la fraction soluble extraite des particules diesel était mutagène dans le test d’Ames ainsi que sur différents modèles cellulaires. Une étude récente (VALBERG et WATSON 1999), en comparant les activités mutagènes spécifiques de condensats de fumée de cigarettes et d’extraits de particules diesel, a cependant évalué que la dose mutagène aux tissus cibles contenue dans la fumée d’une seule cigarette est plus grande que celle résultant de l’exposition pendant un an à des particules diesel aux concentrations ambiantes habituelles. Il a été également démontré que les extraits de particules diesel ainsi que les émissions diesel elles-mêmes pouvaient se lier à l’ADN des cellules cibles. Des adduits de l’ADN ont été mis en évidence dans les poumons de rongeurs exposés de manière chronique aux fumées de diesel, mais les animaux témoins présentaient également des adduits, pour certains à des niveaux équivalents à ceux des animaux exposés (MORIMOTO et al.,1986). Les études de génotoxicité ont montré un certain nombre de mutations géniques sur procaryotes ainsi que sur des cellules de mammifères. Des aberrations chromosomiques sur cellules de hamsters chinois ou sur lymphocytes humains ont également été mises en évidence. La production d’espèces radicalaires de l’oxygène, révélée par formation de 8-hydroxyguanosine (8-OHdG) a été mise en évidence dans des lignées cellulaires (ARIMOTO et al. 1999), chez la souris (ICHINOSE et al. 1997) et le rat (TSURUDOME et al. 1999). La contribution du corps carboné des particules diesel à la formation 8-OHdG, à l’exclusion de celle des composés poly-aromatiques considérés comme mutagènes ou cancérogènes, comme le benzo[ a] pyrène, le 1,8-dinitropyrène ou le 1-nitropyrène et l’implication des macrophages alvéolaires dans ces lésions a été évoquée (TOKIWA al. 1999).
De nombreuses études expérimentales après inhalation chronique d’échappements diesel ont été réalisées chez différentes espèces de rongeurs de laboratoire. Les études chez le hamster et chez la souris sont négatives. En revanche, les études chez le rat montrent une augmentation des cancers du poumon corrélée à la dose chez les animaux exposés à des concentrations cumulées élevées, supérieures à 1 000 mg m-3. Toutefois, les résultats positifs observés chez le rat pourraient être liés à un effet de surcharge ("overloading effect"), c'est-à-dire, des conditions dans lesquelles le dépôt des particules dans les voies aériennes excède les capacités d’épuration par les macrophages alvéolaires. Une méta-analyse récente des données expérimentales chez le rat, conclut qu’il n’y a pas d’augmentation du risque de cancer du poumon dans des conditions expérimentales s’il n’existe pas de surcharge, soit des concentrations cumulées inférieures à 600 mg m-3 (VALBERG et CROUCH 1999).
Plus de 60 études épidémiologiques ont été consacrées à l’évaluation du risque cancérogène des effluents diesel en milieu professionnel parmi les travailleurs des chemins de fer, de compagnies d’autobus, les conducteurs professionnels, chauffeurs routiers, chauffeurs de taxis, les dockers, les mineurs. Une augmentation des cancers du poumon et de la vessie a été observée dans plusieurs études. Une étude de cohorte récente (SAVERIN et al. 1999) et une étude conjointe réalisée à partir de deux enquêtes cas-témoins (BRUSKE-HOHLFELD et al. 1999) ont montré une augmentation du risque de cancer du poumon pour les travailleurs ayant les plus fortes expositions, et des durées d’exposition supérieures respectivement à 20 et 30 ans. De la même manière, deux méta-analyses récentes portant l’une sur 30 parmi les 47 études pouvant répondre aux critères d’inclusion (LIPSETT et CAMPLEMAN 1999), l’autre sur 21 parmi les 29 pouvant correspondre à ces mêmes critères, concluent après ajustement pour la consommation de tabac à un risque accru de cancer du poumon parmi les populations les plus exposées et ayant les périodes d’exposition les plus longues. Par ailleurs, une étude cas-témoins allemande (SEIDLER et al. 1998) portant sur 192 patients atteints d’un cancer de la prostate auprès de 210 témoins, conclut à une association entre l’exposition aux fumées de diesel et aux HAP et un risque accru de cancer de la prostate, mais avec des intervalles de confiance très élevés. Une enquête de cohorte rétrospective portant sur 18 174 chauffeurs d’autobus ou d’employés des tramways de Copenhague pendant la période 1900-1994 (SOLL-JOANNING et al. 1998) révèle un risque accru de cancers, tous types, dans les deux sexes, chez les agents ayant la durée d’activité professionnelle la plus élevée. Une autre étude danoise (HANSEN et al. 1998) portant sur 28 744 cas de cancers du poumon, conclut après ajustement pour le tabagisme et le statut socio-économique, à un risque accru de cancers du poumon chez les chauffeurs professionnels, en particulier les chauffeurs de taxi, en rapport avec leur exposition aux échappements de véhicules. Là encore, cette étude ne se réfère à aucune mesure de pollution, mais considère seulement la durée d’emploi comme un marqueur d’exposition cumulée aux émissions des véhicules.
L’évaluation récente du CNRS (CNRS 1998) retient un lien de causalité entre l’exposition aux effluents diesel et un risque accru de cancers du poumon à partir des données épidémiologiques. Mais une réévaluation (COX 1997) et une ré-analyse (CRUMP 1999) des données de l’enquête rétrospective portant sur 55 407 cheminots américains, citée comme étant l’étude apportant le plus d’éléments en faveur d’une relation de causalité entre l’exposition aux effluents diesel et un excès de cancers du poumon (GARSCHIK et al. 1988), suggèrent qu’il faut être prudent dans l’interprétation des résultats de cette étude et réfutent la causalité.
Données épidémiologiques sur le risque cancérogène de la pollution atmosphérique
L’incidence plus élevée des cancers et notamment des cancers du poumon souvent observée dans des zones urbanisées et industrialisées par rapport aux zones rurales (JEDRYCHOWSKY et al., 1990, TANGO, 1994, BARBONE et al. 1995, MICHELOZZI et al. 1998, PLESS-MULLOLI et al. 1998, BHOPAL et al. 1998), et la détection dans l’air des villes de substances cancérogènes connues, conduisent à penser que l’exposition à la pollution atmosphérique pourrait conduire à long terme à un risque accru de cancers. Ainsi, une augmentation de l’incidence des cancers de l’œsophage, du foie, du poumon, du sein et du col de l’utérus, de la prostate, du système nerveux et des lymphomes non-hodgkiniens, en relation avec la densité de la population a été observée dans différents comtés de l’IIIinois aux États-Unis (HOWE et al. 1993). L’enquête prospective portant sur 8 111 sujets de 6 villes des États-Unis, suivis entre 1974 et 1991 (DOCKERY et al. 1993), montre une association entre la mortalité par cancer du poumon ainsi que les maladies cardio-vasculaires et respiratoires, et la pollution atmosphérique. Les polluants mesurés sont les particules en suspension, réparties en deux classes granulométriques, inférieures à 15 µm (10 µm à partir de 1984) et inférieures à 2,5 µm, le SO2 et l’O3. C’est avec les particules fines que l’association est la plus nette. Mais il n’est pas donné d’indication sur la représentativité des données, ni la localisation des stations de prélèvement. Il n’existe pas non plus de données de métrologie antérieures à 1974. Il n’est pas possible d’exclure que l’association observée soit due en partie aux niveaux de pollution atmosphérique antérieurs à 1974 qui étaient plus élevés, en particulier pour les particules totales en suspension. Une étude récente (BEESON et al. 1998, ABBEY et al. 1999) portant sur une cohorte de 6 338 Adventistes du Septième Jour californiens, non-fumeurs, âgés de 27 à 95 ans, a mis en évidence, chez les hommes, une association entre un risque accru de cancers du poumon et des concentrations élevées de particules, d’ozone et de SO2, et chez les femmes, avec de fortes concentrations de SO2 et des concentrations de particules (PM10) supérieures à 50 µg m-3.
Une revue des études sur la relation entre pollution atmosphérique et cancer, réalisée par Katsouyanni et Pershagen (1997), souligne les problèmes rencontrés pour évaluer correctement les expositions qui conduisent à de grandes difficultés dans l’évaluation des effets. Les polluants mesurés en routine n’incluent pas, en règle générale, les cancérogènes reconnus. De plus, les mesures de pollution sont généralement réalisées à partir de capteurs fixes, rendant difficile l’évaluation des expositions individuelles, en particulier sur le long terme.
Il existe très peu d’enquêtes épidémiologiques sur le risque de cancer en relation avec les sources mobiles de pollution. Une étude de corrélation géographique (WOLFF 1992) a établi une relation entre l’incidence des leucémies et le nombre de véhicules par habitant, mais sans prise en compte d’éventuels facteurs confondants. Dans une étude destinée à évaluer les risques liés à l’exposition aux champs électromagnétiques, SAVITZ et FEINGOLD (1988), ont montré, après ajustement pour de nombreux facteurs confondants, une relation positive entre la survenue de cancers de l’enfant, particulièrement de leucémies, et la densité du trafic dans la région de Denver (Colorado). Deux études écologiques récentes, l’une anglaise (HARRISON et al. 1999), l’autre américaine (PEARSON et al. 2000), reprenant les données de l’étude de Denver, suggèrent l’existence d’une association entre le fait de résider à proximité de grandes voies de circulation ou de stations service et un risque de cancer de l’enfant, en particulier de leucémies. Ces études ne se réfèrent à aucune mesure, mais utilisent uniquement la densité du trafic comme indicateur de pollution. Dans le cadre d’une autre étude cas-témoins sur 127 000 enfants suédois, concernant le risque lié à la proximité de lignes à haute tension, a également été étudiée la pollution automobile, mesurée indirectement par la concentration extérieure en NO2 (FEYCHTING etal. 1998). Au total 142 cas de cancers ont été identifiés dont 39 cas de leucémies et 33 cas de tumeurs du système nerveux central. Bien que le nombre de cas soit peu élevé et les intervalles de confiance très larges, les auteurs concluent à une association entre un risque accru de cancer de l’enfant et les échappements de moteurs.
Conclusion
Bien que les niveaux actuels de pollution de l’air soient nettement plus réduits que ceux qui existaient, il y a quelques décennies, cet ensemble de travaux toxicologiques et épidémiologiques en population professionnelle ou générale montre que le risque carcinogène lié à la pollution atmosphérique demeure une préoccupation de santé publique. Les faits sont cependant encore incertains. Compte tenu de l’importance numérique des populations résidant aujourd’hui en milieu urbain plus ou moins industrialisé, l’évaluation de ce risque nécessite clairement de nouvelles recherches.
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Si les données concernant les conséquences d’une exposition prolongée à des niveaux élevés de pollution atmosphérique sont connues historiquement, les études concernant l’impact d’une exposition à des niveaux plus modestes produisent des résultats plus inconstants. Une étude ancienne "princeps" comparant les symptômes respiratoires de 293 employés des services postaux en zone urbaine (centre de Londres), et de 477 employés en zone rurale (3 villes d’un comté du sud de l’Angleterre) avait montré que l’intensité du tabagisme représentait un déterminant puissant du niveau d’altération de la fonction pulmonaire. Mais, à tabagisme égal, le VEMS était significativement plus bas chez les sujets travaillant en zone urbaine. Bien que les polluants atmosphériques n’aient pas été quantifiés dans cette étude, le niveau de pollution relativement élevé du centre de Londres était alors considéré comme étant la cause la plus vraisemblable de la réduction de la fonction pulmonaire des employés travaillant en zone urbaine (BASCOM et al 1996).
En revanche, une étude japonaise récente a comparé la fonction respiratoire chez des sujets résidant à proximité immédiate (20 mètres) proches (20 à 50 mètres) d’axes routiers à grande circulation et dans un quartier résidentiel de Tokyo, sans mettre en évidence de différence entre les groupes de sujets (NAKAI et al 1999). Cette observation a également été faite dans une autre étude réalisée chez des employés de l’aéroport de Birmingham (UK) et exposés aux effluents et/ou aux carburants de moteurs d’avion. Ces sujets ont été comparés à une autre population travaillant également sur le même aéroport mais non exposés à ces polluants, en prenant en compte l’âge, le tabagisme, le rhume des foins et les tests allergologiques (TUNNICHIFFE et al 1999). Aucune différence en terme de fonction respiratoire n’a été retrouvée entre les deux groupes. Pourtant, les sujets exposés présentaient des symptômes plus fréquents d’irritation des voies aériennes supérieures.
Les polluants de type réducteur ou oxydant sont classiquement invoqués comme facteurs favorisants des broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO). A l’appui de cette hypothèse, diverses études ont été menées, notamment aux Etats-Unis. Ainsi les signes respiratoires et la fonction pulmonaire ont été comparés entre résidents d’une région à haute pollution et une à basse pollution en Californie du Sud, et leur fréquence comparée en fonction des résultats fournis par les capteurs de surveillance de la qualité de l’air (TASHKIN et al 1994). Si ce travail a montré l’effet prédominant d’un tabagisme préexistant sur le niveau des signes respiratoires et de la fonction pulmonaire, il demeure que parmi les fumeurs comme chez les non-fumeurs, un pourcentage significativement plus élevé de patients présentaient une réduction marquée du VEMS (inférieur à 50 % des valeurs théoriques) dans la zone de haute pollution. Un autre travail, plus récent, inscrit dans le cadre de la cohorte ASHMOG, a porté sur 1 391 adultes non-fumeurs suivis depuis 1977 et dont l’exposition cumulée pendant 20 ans a été estimée à partir des données de surveillance de la qualité de l’air des capteurs fixes proches du domicile (ABBEY et al 1998). Chaque sujet a réalisé en 1993 une série de tests de la fonction respiratoire. Le VEMS, le débit de pointe et le rapport VEMS/CV étaient, chez l’homme seulement, réduits chez les sujets ayant subi un nombre élevé de jours d’exposition aux particules PM10 supérieure à 100 µg/m3, manifestant un effet d’une exposition chronique sur la mécanique ventilatoire ; des associations ont été aussi trouvées avec l’ozone, mais pas avec le dioxyde de soufre. Le fait que ces résultats ne soient pas confirmés chez la femme, ce que les auteurs expliquent par des expositions différentes, mérite confirmation.
Une étude européenne a concerné près de 1 000 enfants de 8 ans en moyenne, résidant pendant au moins 3 ans dans 9 communes autrichiennes, et qui ont pratiqué des tests fonctionnels tous les 6 mois, en dehors des pointes d’ozone saisonnières (FRISCHER et al. 1999). La croissance de la capacité vitale forcée au fil des 3 années était réduite (- 2 % en moyenne) pour des écarts de concentration moyenne d’ozone de 10 µg/m3 sur la période ; les niveaux d’ozone étaient assez modestes en moyenne (entre 36 et 80 µg/m3 en 1994, par exemple). L’étude transversale SAPALDIA a également montré que les taux moyens de PM10 mesurés dans huit villes suisses étaient associés à de nombreux indicateurs de santé. Chez les non-fumeurs, des différences des valeurs du taux annuel de PM10 (+10 µg/m3) étaient associées à une augmentation de la prévalence des symptômes respiratoires comme la dyspnée (+41 % ; IC95 %[+20 ; +65]) et des symptômes de bronchite chronique (+31 % ; IC95 %[+10 ; +55]). De même, les tests spirométriques d’expiration forcée, la capacité vitale forcée (CVF) et le volume expiré à la première seconde (VEMS) étaient plus petits dans les régions les plus polluées. Les écarts étaient plus importants pour la CVF (-3,1 % ; IC95 % [-3,7 ; -2,6]) que pour le VEMS (- 1,1 % ; IC95 % [-1,7 ; -0,5]) pour des augmentations du taux annuel de PM10 (+10 µg/m3). Cette association était très consistante dans chacun des groupes de fumeurs, ex-fumeurs et non-fumeurs (LEUENBERGER et al. 1998, ZEMP et al. 1999). Ces différences de fonction respiratoire semblent modestes à l’échelle individuelle, et dans la gamme des variations physiologiques observées lors de mesures répétées chez les mêmes personnes. Cela ne doit cependant pas tromper car, sous réserve que la pollution particulaire soit bien responsable de cette altération de la fonction respiratoire, une récente publication de la même équipe a montré que, répartie sur l’ensemble de la population, cette apparemment modeste réduction fonctionnelle pouvait conduire à une augmentation très sensible de la prévalence des personnes présentant une amputation supérieure à 70 % de leur CVF (+63 % chez l’homme et +57 %, en moyenne, chez la femme), soit plusieurs dizaines de milliers de personnes à l’échelle de la population suisse (KÜNZLI et al. 2000).
Ainsi, les habitants des zones urbaines à plus haut niveau de pollution semblent présenter une réduction de la fonction respiratoire. Bien que les polluants spécifiques incriminés dans ces modifications n’aient pas toujours été déterminés avec précision dans les différentes études et que leur responsabilité spécifique n’ait pas été prouvée, une relation pollution - réduction de la fonction respiratoire apparaît probable. Si elles se confirmaient exactes, les conséquences de ces faits, en termes de santé publique, pourraient être très importantes. C’est pourquoi des études sont nécessaires, en tenant compte du tabagisme actif et passif, pour mieux cerner les effets de la pollution atmosphérique à long terme sur le développement ou l’aggravation de la bronchite chronique et la dégradation de la fonction respiratoire.