loi Littoral

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Décision du Tribunal Administratif de Bastia (Permis Lefebvre)

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE BASTIA
N°0800461


ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE ET DEFENDRE L'ENVIRONNEMENT


Monsieur Domingo
Rapporteur


M. Maury
Commissaire du gouvernement


Audience du 25 septembre 2008
Lecture du 9 octobre 2008


68-001-01-02-03
B

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Le Tribunal administrafi de Bastia
(1ère chambre)

 

Vu la requête, enregistrée le 19 avril 200S, présentée par l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT (ABCDE), dont le siège est lieudit Palmentile à Bonifacio (20169), représentée par son président en exercice ; l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT demande au Tribunal :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 20 février 2008, par lequel le maire de la commune de Bonifacio a accordé un permis de construire à Mr Alain Lefebvre;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bonifacio une somme de 1 000,00 euros au titre de l'article L. 761•1 du code de justice administrative;

Elle soutient que le secteur de Chioso della Marina, où est situé le projet en litige, est un espace naturel de très haute qualité paysagère et biologique, éloigné de la ville; qu'il ne comprend que quatre constructions; que l'autorisation contestée, qui concerne une surface hors œuvre brute de 2 146 mètres carrés, participe au mitage du bord de mer de ce secteur; que les constructions envisagées, prévues dans un site vierge, ne sont pas en continuité avec le bâti existant et ne constituent pas un hameau nouveau ; que le permis méconnaît ainsi l' article L. 146-4 1 du code de l' urbanisme, mais également les articles L. 146-6 et R. 111-2, R. 111-14¬2, R. 111-15 et R. 111-21 du même code; que le plan local d'urbanisme sur le fondement duquel le permis à été délivré est illégal en ce qu'il classe les terrains en cause dans une zone UL3b ; que ce plan méconnaît le schéma d'aménagement de la Corse et les articles L. 110, L. 121-1, L. 146-4 et L. 146-6 du code de l'urbanisme; que le permis contesté est entaché d'eerreur manifeste d'appréciation;

Vu la décision attaquée;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2008, présenté pour la commune de Bonifacio, par Me Vaillant, qui conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Elle soutient que la requête est irrecevable pour défaut d'habilitation à agir du président de l'association requérante ; que les formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées; que la légalité du permis de construire doit s'apprécier au regard du schéma d'aménagement de la Corse et non de ta loi Littoral; que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 146-4-1 et L. 146-4 du code de l'urbanisme sont donc inopérants; à titre subsidiaire, que le caractère remarquable de l'espace concerné n'est pas démontré; que le terrain d'assiette est en continuité avec l'urbanisation existante ; que le moyen tiré de l'illégalité du plan local d'urbanisme doit être rejeté; que la méconnaissance des articles R. 111-2, R. 111- 14-2,R.l11-15etR. Jl1-21 du code de l'urbanisme n'est pas établie;

Vu le mémoire, enregistré le 19 septembre 2008, présenté pour M. Lefebvre, par Me Poletti, qui conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Il soutient que le terrain l’assiette du projet contesté ne constitue pas un espace remarquable; que la méconnaissance des articles R. 111-2, R. 111-14-2, R. 111-15 et R. 111-21 du code de l'urbanisme n'est pas établie; que si le projet, composé de sept constructions peu distantes les unes des autres, n'est pas en continuité avec les agglomérations ou villages existants, il constitue un hameau nouveau intégré à l'environnement;

Vu le mémoire, enregistré le 19 septembre 2008, présentée pour l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT, par Me Busson, qui conclut aux mêmes fin que la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Bonifacio et de M. Lefebvre une somme de 1 500,00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Elle ajoute que le mémoire en défense de la commune n'est pas recevable en l'absence d'habilitation du maire; que sa présidente a été régulièrement habilitée à agir en justice; que les formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont été respectées;

Vu l'ordonnance en date du 22 septembre 2008 fixant la réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code de l'urbanisme;

Vu le décret n° 92-129 du 7 février 1992

Vu le code de justice administrative;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2008 :

- le rapport de M. Domingo;

- les observations de Me Busson, pour l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT, de Me Vaillant, pour la commune de Bonifacio, et de Me Poletti, pour M. Lefebvre;

- et les conclusions de M. Maury, commissaire du gouvernement;

Vu la note en délibéré présentée pour M. Lefebvre;

Sur la recevabilité de la requête:

Considérant qu'en vertu de l'article R. 411~7 du code de justice administrative: « La présentation des requêtes dirigées contre un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol est régie par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ci-après reproduit: "Article R. 600-1 - En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. » ;

Considérant qu'il ressort des copies des avis postaux de dépôt d'un objet recommandé produits au dossier, que l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT a transmis le 3 mai 2008 au maire de la commune de Bonifacio, auteur de l'arrêté contesté, et à M. Lefebvre, titulaire de l'autorisation en litige, un exemplaire de sa requête, enregistrée le 19 avril 2008 ; qu'ainsi, la formalité prescrite par les dispositions précitées a été respectée;

Considérant que le président de l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT a été, le 11 mars 2008, régulièrement habilité par le conseil d'administration, qui a le pouvoir, ainsi que le prévoit l'article 9 des statuts de l'association, de prendre toute décision d'ester en justice et d'autoriser pour ce faire le président ou ses mandataires;

Sur les conclusions à fin d'annulation:

Considérant qu'aux termes du premier alinéa du 1 de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, applicable dans les communes du littoral; « L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, directement applicables aux autorisations individuelles d'urbanisme telles que les permis de construire et auxquelles, d'une part, le schéma d'aménagement de la. Corse, approuvé par le décret susvisé du 7 février J992, qui ne pouvait qu'en préciser les modalités locales d'application, n'a pas dérogé et, d'autre part, les plans locaux d'urbanisme et, notamment, en l'espèce, le classement en zone UL3b qui correspond à un nouveau pôle d'urbanisation à vocation résidentielle, doivent se conformer, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut, en revanche, être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier quç le terrain d'assiette de la construction pour laquelle a été accordé le permis de construire contesté est situé dans un secteur éloigné de toute zone déjà urbanisée et qui ne comprend que trois constructions à proximité; qu'en outre, le projet en litige, consistant en six villas résidentielles et une maison de gardien, ne constitue pas, compte tenu en particulier de toute absence d'agencement des bâtiments entre eux caractéristique d'une organisation collective, et quel que soit le nombre des constructions, un hameau nouveau intégré à l'environnement; qu'ainsi, ledit permis a été délivré en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 146-41 du code de l'urbanisme et doit être annulé;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT est fondée à demander l'annulation de l'arrêté en date du 20 février 2008, par lequel le maire de la commune de Bonifacio a accordé un permis de construire à M. Alain Lefebvre;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 1. 761-1 du code de justice administrative:

Considérant que les dispositions de J'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser la somme que la commune de Bonifacio, d'une part, et M. Lefebvre, d'autre part, demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Bonifacio et de M. Lefebvre les sommes demandées par l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT, au même titre;

DECIDE:

Article 1er: L'arrêté en date du 20 février 2008, par lequel le maire de la commune de Bonifacio a accordé un permis de construire à M. Alain Lefebvre, est annulé.

Article 2 : Les conclusions de l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT tendant à la condamnation de la commune de Bonifacio et de M. Lefebvre au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Bonifacio et de M. Lefebvre tendant à la condamnation de l'ASSOCIATION BONIFACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l'ASSOCIATION BONlF ACIENNE COMPRENDRE et DEFENDRE l'ENVIRONNEMENT, à la commune de Bonifacio et à M. Alain Lefebvre.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2008, à laquelle siégeaient:

Mme Erstein, président, M. Monlaü, conseiller, M. Domingo, conseiller,

Lu en audience publique le 9 octobre 2008.

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